UNE NUIT AU CAMPING
J’aime les histoires drôles et les humoristes qui bien souvent donnent (consciemment ou non ?) des enseignements fondamentaux par leur blagues, tels des koans modernes.
Un grand humoriste du quotidien comme Fernand Raynaud, est une source pour cela. Par exemple dans le sketch « une nuit au camping) (Heureux !, Editions de la Table Ronde, 1975) :
« Ça, je m'en souviendrai toute ma vie! Y'avait une pluie diluvienne. Nous, on était arrivés les derniers dans le camping de sept mille, alors ils nous avaient refilés en bas du camping.
Une pluie diluvienne. La flotte qui montait.
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Y'avait la flotte qui montait, qui montait... Tout le monde flottait sur les matelas pneumatiques.
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Ma sœur, qui rêvait toute joyeuse, elle disait: «Eh bien. s'il continue à faire un temps comme ça on pourra pas aller se baigner! »
Elle avait de l'eau jusqu'au nombril, la pauvre. »
Quel plus bel exemple de la fuite de la réalité par des pensées automatiques (avec projection dans le futur ici) ?
Jacques Vigne (Eléments de psychologie spirituelle, Editions Albin Michel, 1993) nous parle de cela très bien :
« Les frustrations de la vie, qui se terminent par cette grande frustration qui nous prive de la vie elle-même, c'est-à-dire la mort, mènent à la dépression si l'on n'est pas capable de faire son « travail de deuil », si l'on ne peut lâcher prise.
Mais pour faire son travail de deuil, il faut voir ses frustrations en face, ce que personne ne trouve particulièrement agréable. On préfère couvrir le deuil, s'en défendre par une subexcitation (hypomanie) permanente, une avidité de consommation, qu'elle soit matérielle, affective, de loisir ou même intellectuelle ou culturelle.
Ce genre d'activisme est aussi peu efficace pour soulager la souffrance réelle que ne l'étaient les roulements de tambour qui couvraient les cris des patients chez les arracheurs de dents...
La première vérité énoncée par le Bouddha est: « Il y a la souffrance »; & le mental a tant de méthodes, de ruses pour ne pas voir la souffrance, pour fuir ce dont il a peur, qu'il est nécessaire de l'y ramener.
Le Yoga (& la méditation) cherche à faire le silence du mental. Si l'on peut calmer, « débrancher» réellement ce dernier à volonté, on résout la notion même de deuil, puisque le passé ne revient plus à la charge.
Le rationalisme occidental repose sur le postulat de Descartes: « Je pense, donc je suis. » Mais pour le Yogi, cela ne tient pas debout, c'est contradictoire dès le départ.
Ramana Maharshi disait : « Penser n'est pas la véritable nature de l'homme. » C'est une fonction, comme les fonctions naturelles du corps, qui a son utilité à son niveau.
D'ailleurs, quand on s'observe bien, on s'aperçoit que la pensée est souvent automatique, qu'elle fonctionne pour elle-même sans but précis, que l'on « pense sans y penser» si l'on peut dire.. »