La famine sur la planète est un massacre absurde
"Figure tutélaire du documentaire d’Erwin Wagenhofer, We feed the world. Le marché de la faim, Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation et auteur d’ouvrages décrivant l’ordre meurtrier de notre monde (dernier titre paru, l’Empire de la honte chez Fayard), dénonce le scandale de la faim dans un monde d’abondance et les mécanismes de cette tragédie planétaire. Il répond aux questions de l’humanité.
Selon les chiffres de la FAO (l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation) de 2006, plus de 850 millions de personnes sont en permanence gravement sous-alimentées dans le monde. Et la situation s’aggrave alors que notre production, nos richesses augmentent d’année en année... Toujours selon la FAO, le monde pourrait nourrir normalement 12 milliards de personnes, soit presque deux fois l’ensemble de la population mondiale. Toute personne qui meurt de faim ou de ses suites est assassinée. Or cette tuerie évitable qui coûte la vie à quelque 100 000 personnes par jour est non seulement criminelle mais elle est, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, sans aucune nécessité. C’est un massacre absurde et inutile perpétré par l’ordre mondial du capital financier globalisé.
Aujourd’hui, 55 % de la population mondiale vit en milieu rural. Et c’est elle qui est la plus fortement touchée par la faim ! La faute en incombe à l’ordre économique créé par les grandes compagnies de l’agroalimentaire appuyées par les États du Nord et leurs subventions agricoles. L’année dernière, les pays industriels de l’OCDE ont distribué près de 350 milliards de dollars de subventions à leur agriculture (à la production et à l’exportation). Résultat : sur les marchés du tiers-monde, les produits en provenance des pays du Nord se vendent jusqu’au tiers du prix des productions locales.
Les agriculteurs des pays pauvres peuvent se tuer à la tâche, ils sont incapables de battre ces prix lourdement subventionnés.
La première chose à faire pour les pays du Sud est de mener une politique de « souveraineté alimentaire ». En clair, donner dans chaque pays la priorité à la production vivrière. Cela signifie que les États doivent investir dans leur agriculture.
Aujourd’hui, 90 % de la production agricole mondiale est non-OGM et pourtant elle pourrait nourrir deux fois la population mondiale... Parfois subventionnés par les États des pays pauvres eux-mêmes, les OGM créent une des pires formes de servage moderne puisqu’une fois utilisées, les semences OGM ne peuvent pas être replantées, ou si elles peuvent l’être, ce sera au prix du paiement de droits que les compagnies viendront réclamer aux paysans. Au-delà des risques encore inconnus pour la santé, l’usage de ces semences livre les paysans des pays pauvres pieds et poings liés aux sociétés transcontinentales privées, comme Montsanto, Nestlé et Pionneer."
Entretien réalisé par Ramine Abadie, pour lire l'article en entier : © L'Humanité