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Lung Ta Zen
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20 mars 2009

Peut il exister un bouddhisme non engagé ?

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Alors que la presse comme la réalité nous montre que nous sommes en pleine crise économique, il est encore peu mis en avant la crise écologique qui l’accompagne. En tant que bouddhiste, en tant qu’humain que pouvons nous y faire, que faire ?

Nous pouvons y réfléchir, laisser les « personnes compétentes » agir, on peut travailler sur soi (toute modification de la société ne peut passer que par une transformation personnelle), mais est ce suffisant ?

Il me semble que nous ne pouvons, aujourd’hui encore plus qu’hier, faire l’économie d’un engagement personnel social. Un certain nombre de bouddhistes pensent qu’il suffit de « travailler sur soi », mais j’ai bien peur que  si cela est coupé d'une action sociale concrète, cela ne soit qu’une fuite pour éviter la réalité, éviter les risques amenés par l’action & se protéger par une quête inextinguible de la sagesse, qui n’est souvent d’ailleurs qu’une recherche du savoir ou d’une tranquillité qui n’existe pas dans la société.

Un maître zen Vietnamien décédé nous dit : « L’agir est plus important que le savoir, et une connaissance qui ne peut se traduire en actes n’a que peu de valeur. La pratique du Zen ne devrait pas être limitée aux seuls périodes de méditation en position assise; elle devrait être associée à toutes les activités de la vie quotidienne. Si nous nous appliquons à approfondir la Voie, nous nous apercevrons que chaque jour est un bon jour. »1

Cela implique deux choses pour moi : cet engagement, mais aussi un engagement qui ne soit pas lui-même une perte dans un infini idéal inatteignable, mais au contraire dans une recherche de ce qui peut être transformer dans notre environnement social proche.

Le danger serait en effet de partir dans des actions militantes qui ne nourriraient que les associations qui les portent. Il nous faut rester dans le réel, car comme l’avait vu Aristote, le possible naît du réel, non le réel du possible. « Occupe-toi de ton action » écrit Miguel Benasayag.

Une action suppose toujours un sujet, c’est donc elle qui nous rend sujet et nous donne la puissance d’exister, comme Spinoza dans l’Ethique nous l’explique par le « conatus ».

La méditation nous amène à nous ouvrir à ce que nous sommes, à comment nous agissons, comment nous pensons. Miguel Benasayag nous pousse à nous interroger sur notre propre expérience , car, toujours selon lui, c’est dans cette expérience, dans cette situation personnelle, qu’on peut s’interroger pour savoir ce que signifie la justice sociale et poser des acte spour changer les choses.

D’un point de vue bouddhiste, je dirais qu’il ne s’agit pas d’attendre d’être un grand éveillé, d’être un Bodhisattva pour en suivre le chemin et se rendre utile, quoi que nous soyons ou ayons fait jusque là car « la pratique ne porte pas sur l’avenir, quand tout sera mis en place et que vous serez devenu digne de respect à vos yeux. On peut être l’individu le plus violent du monde, c’est un bon point de départ. Simplement, là où nous en sommes, c’est l’endroit où démarrer. »2. « La grandeur n’est pas une abstraction mais un art de vivre. Dans la tradition de l’éveil (le bouddhisme), « grand » exprime que tout commence et que tout finit, ici, dans l’expérience la plus triviale, la plus ordinaire de notre condition? Nous avons toujours des idées et des idéaux sur ce qu’est ou ce que devrait être la réalité, mais nous devons aller plus , faire un pas supplémentaire, vers l’ici-même, dans la réalité. »3 « La tendresse des Bouddhas et des bodhisattva les conduit non à professer des théories universelles toutes prêtes, mais, dans l’écoute réelle, à donner à leurs interlocuteurs tout ce qui est à même de les faire grandir et de les embellir, selon leur capacité et leur propre identité. Les éveillés n’agissent pas en fonction de dogmes mais de situations. »4

Une autre gageur est de ne pas céder au découragement quand on prend conscience des responsabilités que nous avons face aux crises actuelles, mais au contraire de revenir au concret, comme le dit le Dalaï Lama5 : « Il s’agit d’être enthousiaste. Et là, le sentiment de l’urgence est un élément clé. »

En fait cette joie dans la pratique, dans l’action devrait être présente de tout temps chez le bouddhiste, en effet la pratique même et les enseignements rappellent à  « l’adepte du bouddhisme .../... son impermanence, c’est-à-dire sa mort. .../... Cette conscience de l’impermanence qui nous confère un sens de l’urgence : chaque instant est précieux et nous devons en user au mieux. »6

Et pourtant en agissant ici et maintenant, en prenant conscience des injustices sociales présentes, en agissant localement pour les modifier nous touchons à ce qu’il y a d’universel en l’humain, la souffrance et le désir de bonheur. L’action concrète dans notre sphère d’activité et de compétence, là où nous sommes, ce que Miguel Benasayag nomme l’action restreinte. Nous y trouvons cette universalité qui parle à tous, ce qu’il nomme le « commun ». Mais pour autant « il ne s’agit pas de justifier une politique de bon père de famille qui s’occuper de ses affaires et rien d’autre. Une action restreinte ne signifie pas des effets restreints. »7.

Dans notre quotidien nous participons à ce tout. « Les hommes font l’histoire » 8



1Thien An (Maître bouddhiste Vietnamien – 1926 - 1980)

2Pema Chödrön – La Voie commence là où vous êtes – La Table Ronde - 2000

3Eric Rommeluère – Les Bouddhas naissent dans le feu – Seuil - 2007

4Eric Rommeluère – Les Bouddhas naissent dans le feu – Seuil - 2007

5Dalaï Lama - L’art du bonheur – Robert Laffont - 1999

6Dalaï Lama - L’art du bonheur – Robert Laffont - 1999

7Miguel Benasayag – Abécédaire de l’engagement – Bayard - 2004

8Karl Marx

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Commentaires
L
Etre equanime avec tous et nous avec tous les niveaux de notre vie (pour moi c'est cela l'authenticité)
L
Bonne question, pour en avoir encore discuté récemment, parfois le pb avec des pratiquants bouddhistes c'est qu'ils pratiquent pour leur "vie future" c'est faire fi de la souffrance des êtres vivants actuellement et du seul moyen qu'on est d'agir : ici et maintenant
L
Oui l'exemple de Pierre Rabhi est très juste, dommage que son site ne permette pas les liens RSS, car cela me permettrait d'être plus au courant régulièrement
Y
Cet article répond vraiment à la question que je me posais. Mais je pense qu'il faut aussi de la patience et de la tolérance envers ceux qui ne sont pas suffisamment en accord avec eux-même.L'environnement social le plus proche est la famille pourtant certains œuvrent dans des grandes associations pour être reconnus... mais négligent leur famille. L'action pourrait être de leur faire remarquer (en douceur).
R
Crise économique, crise environnementale et puis aussi les Droits de l'Homme (ou Humain), les colibris ont du travail.<br /> La question est de comment passer du tatou (bouddhiste?) qui regarde ses pieds au colibri (bouddhiste) efficace.
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