Expulsion Yourte
lire YurTao
La révolution des encombrants.
La vie vaut vraiment d'être vécue!
Si à l'école je ne me suis jamais donnée la peine de décrocher la première place, de peur entre autres de déclencher des jalousies pénibles, puisqu'en temps qu'ainée de ma fratrie, j'ai vite appris à la maison que la préexistence se payait cher en matière de disputes,
en matière de pratique autodidacte de la voie de la yourte, je m'en suis donné tout autant, sinon plus, pour ne pas décrocher la première place du premier palmarès d'expulsions de yourtes en France.
Mais me voici bien, depuis le 26 Février 2009, la première auto-constructrice habitante en yourte de ce pays, virée comme une squatteuse par un tribunal de justice.
Même si, heureusement, ce n'est pas le statut de la yourte qui est visé, mais son implantation. Il est cependant impossible de séparer les deux dans la réalité de la vie quotidienne du droit au logement, car le socle des yourtes, bien qu'on puisse plus le comparer à une amarre dans un port qu'à une fondation, c'est quand même toujours la terre, le foncier.
Alors, maintenant que ma descente en bord de village dans une tentative d'intégration douce est ratée, maintenant que je suis au top de quelque chose, maintenant que j'ai acquis quelques lettres de noblesse de la gueuserie ordinaire en gagnant le droit d'être jetée à la rue par une bande d'escrocs sans foi ni lois, je ne vais plus me gêner pour dire ce que je pense de ces méthodes et des intentions malveillantes et pourries qui les animent.
Je sais que je ne vivrais pas assez longtemps pour entendre proférer à mon égard le même genre d'excuses que celles qui sont faites actuellement aux tribus indiennes expropriées et décimées par des cow-boys assassins.
Je sais que je suis victime comme tant d'autres d'une razzia organisée et armée, et quoi qu'il en soit, je préfère ma conscience et ma colère à l'aveuglement d'un bourreau ou l'indifférence d'un Ponce Pilate.
Donc tant que je vis, je continue, moi, petite yourteuse cevenole expulsée, à faire le procès de la spéculation, de la prédation, du mépris, du pouvoir et de la justice utilisés contre les pauvres, et de la complicité de ceux qui se taisent.
Je continue à vouloir démontrer la primauté du droit des peuples à l'auto-détermination, à la souveraineté alimentaire, donc à un lopin de terre personnel octroyé équitablement par simple fait de naissance, la légitimité du droit d'usage sur tout accaparement par des intérêts spéculatifs, le droit à un revenu de citoyenneté déconnecté du travail obligatoire, le droit de vivre et d'habiter modestement en respectant ce qui nous entoure.
Car c'est bien de tout cela qu'il s'agit, dont mes procès sont l'exemple et le symbole.
Un procès où les profiteurs les plus caricaturaux du capitalisme, les pirates de l' immobilier, ces gens pour qui la terre n'est pas un lieu de vie pour frères humains, encore moins un bien commun, mais une jungle où tout est à prendre d'assaut sans rien laisser vivant derrière, saccageant pour les siècles et les siècles en se défoulant des pires instincts, s'attaquent clairement et sans vergogne au symbole le plus poétique des opposants au monde marchand,
le peuple des yourtes.
Je me suis défendue contre les agressions de gens qui ne doutaient pas de leur pouvoir, qui savaient bien que leurs relations, leurs connivences, les intérêts croisés de tous ceux qui profitent des ventes judiciaires, les couvriraient.
Quel juge condamnerait un avocat, celui qui a procédé aux enchères, ami des marchands, qu'il voit tous les jours, dans ce microcosme de province où les intérêts des riches, des notables et des nantis s'entrecroisent sur les nappes et les draps des foyers rupins de la ville?
Mettre en question la validité d' une vente, dénoncer le lobby des participants directs et indirects des ventes aux enchères, ce qui fait beaucoup de monde qui se sert à chaque transaction, c'est remettre en question tout le système bien rodé qui en gravite, c'est impensable.
C'était donc plié d'avance.
Ce qui ne leur a quand même pas donné la dignité d'assumer leurs actes, puisque le résultat du jugement a été largement différé pour reculer les réactions publiques et médiatiques: après un procès où la seule représentation de mes adversaires, hors avocat, s'est traduite par deux flics spécialement octroyés pour cette audience et une paire de RG, on m'a demandé de prendre connaissance en catimini du jugement par téléphone!
Pourtant, l'acquisition dans mon dos du terrain sur lequel j'habite par un cartel de marchands de biens qui m'ont ignoré avec un rare mépris, qui n'ont pas eu le courage une seule fois de se présenter aux audiences publiques, est et restera pour moi une opération illégitime et illégale, (mes justes arguments ont été balayés purement et simplement), un hold up légalisé, le résultat d'une politique et d'une justice indigne et inique.
Mais c'est aussi la représentation des deux forces vitales en action, pulsions de vie et pulsions de mort, partout dans le monde et plus particulièrement en ce moment.
Du coté de la vie, le soin de la planète et une conscience politique, philosophique et spirituelle de l'organisation fraternelle de la société humaine,
et de l'autre le racket sauvage des ressources, l'élimination des plus faibles et l'hégémonie de l'égoïsme et de l'accaparement.
Depuis plusieurs décennies habitante de ces Cevennes minières en déshérence, y vivant, y enfantant, y souffrant, y ayant enseveli récemment mon enfant dans cette terre charbonneuse remplie de vieux mineurs sacrifiés à la croissance, y travaillant dur, sans reconnaissance, sans salaires, sans garanties et sans sécurité, y défrichant sans cesse gratuitement sentiers abandonnés et prés envahis de ronces, y inventant des façons de vivre modestes et légères en harmonie avec la nature, y nouant des solidarités nouvelles avec les oubliés du système,
comment me remercie-t'on aujourd'hui de ma persévérance, de mon audace, de ma volonté de ne pas abandonner une terre qui a tant besoin de souffles nouveaux, de ma foi pour soulager l'imaginaire de toutes ces misères et ces relégations?
On me remercie comme un patron vénal remercie une ouvrière qui a donné sa vie à son entreprise, en la licenciant.
Un patron qui part en parachute doré avec la caisse, lesté d'une indemnité et d'une subvention gouvernementale, nanti de permis de construire en zone naturelle protégée en Corse pour des villas de luxe, de jets privés pour aller se soulager dans les petites filles des bordels asiatiques, de yatchs gracieusement offerts pour mouiller dans les ports des paradis fiscaux, une législation votée pour le blanchir, une milice privée et les honneurs des médias.
Quant au travail lui-même, accompli sur une friche industrielle que j'ai entièrement réhabilité de façon écologique, à la force du poignet, sans machines, sans pesticides, sans désherbants, soignant des décennies de pollution et d'abandon, transformant un rebut en petit joyau légèrement jardiné, que va t'il devenir?
Rien.
A
nouveau une poubelle, à nouveau une friche.
En effet, les marchands devaient revendre ce terrain en Septembre 2009, comme la loi le leur oblige, pour en tirer bénéfice.
Malheureusement pour eux, le maire vient de leur confirmer l'inconstructibilité de la parcelle, réinscrite dans le nouveau PLU en cours d'élaboration.
Donc pas de citron à presser.
DAL, Halem et Demeures Nomades avons demandé à la mairie d'une part une vigilance accrue lors du passage de cette vente dans leurs bureaux, et d'autre part d'étudier un projet local au service des bessegeois qui pourrait justifier une préemption par la municipalité.
La mairie a donc laissé entendre que lors de la mise en vente du terrain, elle pourrait préempter.
Cet espace de proximité retournerait alors à sa vocation populaire et sociale, grâce à un projet associatif, ou tout simplement un projet communal de parc public pour les habitants du quartier.
Furieux, l'un des marchands a donc rétorqué qu'il laisserait le terrain à son fils, seule issue légale pour sauver son honneur de macho viril et conquérant.
On ne doute pas dés lors, vu la mentalité de la maison, que le fils préfère y déposer ses carcasses de bagnoles que des yourtes.
Yourtes qui commençaient à attirer sur la ville une renommée nationale de renouveau et d'ouverture, qui sera d'ailleurs amplifiée par le film que Régis et Aline ont tourné au Cantoyourte cet hiver et qui sera diffusé sur M6 le 25 Mars à l'émission « 66 minutes ».
Quand au travail social et culturel accompli en proximité d'une population avec qui ça n'a pas toujours été facile mais d'où ont surgi débats, animations et éveils de conscience, quand ce n'est tout simplement convivialité par l'ouverture du camp aux jeunes et vieux du quartier et du canton, que deviendra t'il?
Travail de lien social gratuit réduit à néant, désavoué, piétiné, parce que le seul horizon permis pour les campagnes et les banlieues, ce n'est pas l'auto-organisation et la débrouillardise qui sonneraient trop comme une économie informelle et donc une dissidence inacceptable pour le monde du profit, mais le chômage, les « prises en charge » et les assistanats avilissants et hypocrites, la rue ou la prison.
Cette belle aventure humaine et solidaire du Cantoyourte sera t-elle clouée au carreau par les ravages capitalistes?
C'est sans compter sur la résistance.
C'est pourquoi:
J'en appelle à l'insurrection rurale
pour défendre le droit d'habiter autrement,
en particulier dans des habitats modestes et légers,
symbole d'un mode de vie écologique et social
et réponse populaire à la crise du capitalisme.
J'en appelle à la défense des Yourtes,
symboles de la gratuité, la solidarité, la diversité,
l'ingéniosité et la fraternité des peuples.
J'en appelle à l'insurrection des tentes partout dans le pays
pour protester contre une justice d'exclusion et d'expulsion,
qui catalogue les tentes et ses occupants
comme des objets encombrants, des détritus,
quand ce ne sont pas des fantômes, (comme l'ont fait les auxiliaires de justice et les arnaqueurs immobiliers ignorant mes yourtes dans les cahiers des charges d'adjudication).
J'en appelle à la révolution des encombrants,
des laissés pour compte, des jetés dehors,
j'en appelle à la récupération et au stockage,
par tous les sympathisants des yourtes,
de leurs objets encombrants, abimés, dépassés,
pour édifier des barricades contre les bulldozers
autour du Cantoyourte,
dés que le délai de quatorze mois,
octroyé par charité ( certif médical) sera expiré!
J'en appelle à la désobéissance civique pacifique
et à la solidarité résistante
pour pouvoir continuer à ouvrir des terrains de vie
aux personnes de plus en plus nombreuses exclues
de la société d'abondance en faillite.
J'en appelle à toutes initiatives qui rallient et relaient
les protestations, les révoltes et les indignations de ceux qui,
expulsés des villes et expulsés des champs,
sont jetés à la rue comme des chiens pour y aller mourir de froid.
Parce que ça suffit de s'en prendre toujours aux mêmes.
Parce que ça suffit les prédateurs qui déboulent dans nos villages pour tout raquer sous notre nez, et nous asservir en esclavage sur notre propre terre.
Parce que ça suffit d'être toujours la dernière roue de la charrette et ceux sur qui on peut tirer à bout portant dans le dos pour un loyer pas payé.
C'est arrivé en bas de chez moi.
Çà suffit de toujours se faire taper, se faire virer, d'aller au tribunal réclamer justice et de trouver que des bourges, occupés à coucher avec la femme du concurrent, qui vous saquent d'un air hautain et vous jette à la rue pour faire une fleur à leurs copains.
Parce que le peuple se réveille et gronde,
parce que la volonté du peuple,
c'est de vivre tout simplement,
pas de ramasser la poussière sous les bottes des puissants.
Contre l'étalage du mensonge et de l'aliénation
de la société de consommation,
opposons l'art de vivre sans encombrements!
Aux bulldozers fauchant les habitats de toiles,
opposons des barricades d'encombrants!
Aux cubes de béton de la répression,
opposons les ronds de coton de la libération!