LA RIGIDE IMMOBILITE
"The Crystal Tarot" par Elisabetta Trevisan, 2000 ©
Nos difficultés viennent le plus souvent de notre « rigide immobilité ».
Cette rigide immobilité se présente dans notre façon de voir le monde et d’attendre à ce qu’il réagisse. Position, bien sûre source de souffrance, le monde complexe ne cherchant pas à répondre à notre vision étriquée.
Voici deux exemples donnés par Jodorowsky dans son livre « La sagesse des blagues » (Editions Vivez Soleil, 1994) :
« A la sortie d'un spectacle, une dame supplie une chanteuse corpulente:
-J'aimerais tant avoir une photo de vous en pied!
- Je vais vous en donner une tout de suite! réplique la chanteuse flattée. C'est pour un album?
- Non, dit la dame. Je vais la coller sur la porte de mon réfrigérateur pour m' inciter à suivre mon régime.
Encore un exemple de points de vue différents. Avant une conférence, j'étais au café (Jodorowsky dans les deux heures qui précédaient les conférences qu'il donnait à la faculté de Jussieu, interprétait le tarot à qui veut, dans un café proche.) et une dame se présenta en disant:
- La dame aux cheveux grisonnants, qui tire les tarots est-elle arrivée?
- Vous voulez peut-être parler de Muriel?
- Non, pas elle.
- Christiane?
- Non plus. La personne que je cherche est petite avec les cheveux courts.
- Elle n'est pas là. Attendez dix ou quinze minutes. Il est trop tôt, mais ne craignez rien, dès que je la verrai, je lui dirai de vous lire un tarot.
- Je ne veux pas qu'elle me lise le tarot. Je la cherche parce qu'elle doit me rendre un stylo.
J’étais très à l’écoute de cette femme. Je voulais vraiment qu’on lui tire un tarot, qu’on l’aide à progresser… je croyais que sa question était spirituelle, alors je me suis tout de suite mis en « état de sainteté »… c’était inutile. Elle voulait simplement récupérer son stylo. J’étais frustré. Je ne pouvais pas lui faire du bien. Il y avait là différents points de vue en présence. »
Mais pour reprendre ce que dit Jodorowsky (je me suis tout de suite mis en « état de sainteté ), la principale de ces rigidités, et la plus difficile à remettre en cause est celle qui nous concerne nous personnellement.
Nous nous accrochons à l’image que nous avons de nous & que nous voulons offrir aux autres, comme une image fixe.
Nous sommes joyeux quand les autres confirment cette image, et nous sommes malheureux quand ils la voient différemment.
Et souffrance aussi quand nous mêmes nous pouvons voir que nous ne sommes pas comme l’image (personnage) que nous voulons présenter, ou comme lorsque l’image de nous qu’on a voulu nous imposer (tu es moche, pas intelligent, digne de ton père etc…) ne correspond à celle que nous souhaitons donner ou à ce que nous ressentons au plus profond de nous.
Tout étant soumis à l’impermanence, nous changeons sans cesse et mourrons pour mieux renaître en chaque instant, il n’y a pas de moi fixe sur lequel s’accrocher, simplement un moment de vie, un moment d’être, suivi d’un autre et d’un autre…
« Tant que tu ne sais pas mourir et renaître, tu n’es qu’un passant affligé sur la terre obscure. » Goethe